dimanche 13 février 2011

Karine Vanasse essaie de sauver la pièce InExTREMIS d’un échec lamentable


Par où commencer pour vous exprimer à quel point la dernière pièce à l’affiche au Théâtre du Rideau-Vert, InExtremis, est une œuvre qui mérite d’être vue pour savoir exactement quoi ne pas reproduire à l’avenir ? Si ce n’était pas de certains passages chorégraphiques réussis et de l’actrice principale, Karine Vanasse, je hurlerais à l’échec.

Débutons avec les aspects agréables de ma soirée au coin des rues St-Denis et St-Joseph. Il ne faut pas se le cacher, la belle Karine Vanasse était attendue avec une brique et un fanal par les gens de l’industrie. Malgré des succès populaires et d’estime au cinéma et à la télévision, certains doutaient de ses capacités à jouer sur scène, elle qui n’avait jamais suivi de formation théâtrale. D’autres doutaient également de son talent pour se glisser dans la peau d’une jeune femme victime d’une tentative de viol, qui finit par se défendre en séquestrant et en torturant son presque-violeur. Elle est trop belle, trop fine, trop parfaite, disaient-ils, pour s’attaquer à un rôle pareil. Pour avoir rencontré Karine Vanasse en entrevue il y a trois ans, l’actrice dégageait effectivement un contrôle de soi et une intelligence fascinante à voir aller. Pouvait-elle nous faire croire au côté sale et presque cruel de sa Marjolaine tortionnaire ?

La réponse est oui, tout à fait. Jamais Karine Vanasse ne nous donne l’impression de ne pas maîtriser les codes du théâtre. Elle nous envoie plutôt un sac de crédibilité en pleine gueule du début à la fin. On la sent à l’affut, vengeresse, ô combien déterminée à se faire justice, voire dangereuse. Même son langage de jeune femme bien élevée prend le bord pour laisser place à celui un peu plus châtié de son personnage.

Vanasse coule avec un homme de talent
La belle Karine Vanasse est accompagnée dans ce navire qui fait naufrage par le metteur en scène Jean-Guy Legault, qui ne réussit jamais à donner un sentiment de cohérence et de direction à un texte qui en aurait bien besoin. Pour un homme qui avait si admirablement dirigé une pièce comme Rhinocéros, au TNM il y a trois ans, il s’agit d’une grande déception.

Comme si cela n’était pas assez, deux des trois autres acteurs d’InExtremis sont d’un ridicule consommé. Jamais, ô grand jamais, Sébastien Gauthier n’arrive à nous faire croire à son violeur. S’il n’avait pas su profiter des chorégraphies d’agression et de batailles très habilement orchestrées par les concepteurs pour accrocher notre attention dans les 15 premières minutes en nous donnant l’impression qu’on va assister à une œuvre intéressante, Gauthier aurait été vide de crédibilité toute la pièce durant. Rien de son corps, de sa voix ou de son aura ne réussit à nous convaincre. On comprend que son personnage est supposé être dangereux, vicieux, manipulateur et dégoûtant, mais on n’y croit tout simplement pas. Pire, quand le personnage de Karine Vanasse l’attache pour mieux le torturer, Sébastien Gauthier ne cesse de gémir comme une vache espagnole à qui on n’a pas appris à avoir mal. C’est dérangeant, aucunement crédible, et on a juste envie de crier aux trois filles sur scène de l’achever.

Julie Perreault joue malheureusement dans un 2e échec de suite au théâtre
En plus de Karine Vanasse qui tente de sauver la mise, le trio des amies de fille est également composé de Julie Perreault, qui réussit relativement bien à nous faire oublier l’échec de La petite marche en haut de l’escalier, présentée au TNM, en nous prouvant à quel point une bonne actrice peut amoindrir l’impact d’un très, très mauvais texte.  La distribution de la pièce est complété par Geneviève Bélisle, qui défend un personnage de blonde sans cervelle en jouant faux 75% du temps.

Le texte est une insulte à notre intelligence
Si ce n’était pas de la présence de Vanasse et de Perreault, les spectateurs n’auraient rien d’autre à se mettre sous la dent qu’un texte pitoyable. Malgré des thèmes comme la manipulation, la torture et les relations hommes-femmes qui auraient pu être fascinants à exploiter, l’auteur Mastrosimone a préféré se perdre dans les conflits idiots de trois amies de fille aux personnalités caricaturales, nous servir des dialogues d'une employée de Ressources Humaines qui sonnent comme « j’entends ce que tu me dis » et « analysons les faits en pesant les pour et les contre », et plusieurs autres idioties du genre. L’auteur ose même terminer sa pièce avec un semblant de compréhension mutuelle entre l’agresseur et la victime-bourreau, sur fond de beding-beding de guitare folk expressément choisie pour faire gnangnan.

Ce n’est pas seulement la critique qui le dit
Puisque j’allais dans la « rassembleuse » institution du Rideau-Vert, j’avais choisi d’inviter un ami néophyte en théâtre pour lui permettre d’apprivoiser cet art de la scène lentement mais sûrement. Cinq minutes avant le début du spectacle, ce dernier affirmait avec un enthousiasme débordant qu’il était certain d’aimer la pièce et que ses attentes étaient grandes. Quelque 95 minutes plus tard, légèrement intimidé de m’entendre débiter tout ce que je n’avais pas apprécié, il m’a tout de même sorti un truc du genre : « je ne peux pas critiquer à ta façon, mais je peux quand même dire que l’histoire m’a fait décrocher. À un moment donné, c’était devenu n’importe quoi ». Preuve comme quoi il ne suffit pas de voir beaucoup de pièces de théâtre pour être sévère avec les œuvres dites « populaires ». Même les débutants amoureux de culture populaire n’embarquent pas. 

Je ne veux surtout pas généraliser en condamnant le Théâtre du Rideau-Vert. C’est tout de même entre ses murs qu’ont été joués de belles réussites telles que Marie Stuart, Treize à Table, ainsi que les reprises de La Société des Loisirs et du Pillowman. Néanmoins, jamais je n’avais quitté un théâtre en étant à ce point excédé…

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