vendredi 22 avril 2011

La nouvelle création de La La La Humans Steps à découvrir enfin


Edouard Lock est synonyme d’excellence depuis une petite éternité. Sa nouvelle création s’arrête enfin à Montréal pour sa première nord-américaine, après avoir ravi les plus grandes villes d’Europe. Le spectacle sera présenté du 5 au 7 mai à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place-Des-Arts et permettra au public montréalais de s’émerveiller une fois de plus devant le talent de La La La Human Steps.

Présentée comme une déconstruction précise et enfiévrée des opéras baroques Didon et Énée (Purcell) et Orphée et Eurydice (Gluck), la nouvelle oeuvre d’Edouard Lock accueille à titre d’artiste invitée Diana Vishneva, danseuse étoile du mythique Ballet Kirov, qualifiée de « meilleure ballerine au monde » par Ballet Magazine.

Dix danseurs et quatre musiciens interprètent sur scène cette nouvelle œuvre d’Édouard Lock.

Les journalistes étrangers qui ont pu voir le spectacle avant Montréal parlent d’une œuvre extraordinaire qui pourrait bien être la meilleure du chorégraphe. Un ballet des temps modernes.

Inspirant.

Temps de Wajdi Mouawad : une oeuvre forte qui joue à la forte

Sortant à peine de la tourmente de la nouvelle programmation du TNM avec Bertrand Cantat, Wajdi Mouawad revient à Montréal pour nous présenter Temps, une pièce qu’il a d’abord montée en Allemagne et dans la ville de Québec. À mon avis, Temps est une œuvre puissante et magnifique de poésie, qui souffre malheureusement de vouloir trop en faire, toujours et tout le temps.

L’histoire nous transporte à Fermont, ville du Nord, ville du froid, ville de folie, ville où le mur est protection, ville où un vieil homme, poète et bâtisseur de grandeur, est sur le point de mourir des affres de l'Alzheimer. L’homme est entouré d’une jeune femme douce et amoureuse, et de sa fille ainée, une jeune femme en guerre, sourde et muette. Cette femme est en mission : celle de retrouver ses frères disparus, de réunifier le clan et de faire justice à son sang, à sa mère morte immolée par le feu. Impossible d’en écrire plus sur cette histoire sans brûler de punchs, mais dites-vous que la nature des blessures subies par la jeune femme réveille une histoire pas si lointaine : celle de Bertrand Cantat. D’un côté comme de l’autre, devons-nous oublier et pardonner ? Devons-nous accepter sans rien dire ? Devons-nous aller jusqu’au bout de notre démarche pour être en paix ? Libérés et en paix ? 

Assister à une pièce de Wajdi Mouawad, c’est ébranlant, ça chavire, ça questionne, ça dénonce à grands cris, ça émeut, mais d'une manière ou d'une autre, ça ne peut pas faire autrement que de moraliser avec insistance. Qui serions-nous de dénoncer un artiste qui se mouille, qui prend position et qui ose affirmer un point de vue sans attendre la permission ? Qui serions-nous ? La question se pose. Aussi noble et louable puisse être la démarche de Mouawad, on a toujours l’impression d’être tenu par la main en assistant à sa poésie dénonciatrice. Un peu comme si pour faire bouger les choses et diverger de la pensée unique, il n’avait trouvé d’autres façons que celle de marteler son message assez fort pour nous que nous ne puissions plus voir autre chose. 

Les acteurs sont sublimes de vérité et touchants de vulnérabilité. Wajdi Mouawad sait comment les diriger pour qu'ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Le texte est porteur, puissant, frôlant le génie par moment. Toutefois, la ligne qui sépare Mouawad du génie est celle de la surenchère. Le dramaturge veut trop, essaie trop, insiste trop et surutilise certains procédés poétiques à travers les mots et la mise en scène pour s’assurer d’atteindre un but bien précis.

On dirait que l’homme de théâtre est tellement conscient de sa force poétique et dramaturgique qu’il en vient à nuire à son histoire. Sa pièce Temps est remplie de moments artistiquement et humainement sublimes. Il faut aller voir cette œuvre, mais on quitte le Théâtre d’Aujourd’hui avec l’impression qu’un peu plus de retenue à certains égards aurait pu faire de Temps une grande œuvre, au lieu d’une œuvre qui joue à la grande.

Théâtre d’Aujourd’hui – 19 avril au 21 mai

jeudi 21 avril 2011

"Audible" à l’Usine C : m’entendez-vous être sans voix ?

Je l'affirme haut et fort : le spectacle  « Audible », présenté à l’Usine C par The 605 Collective, est à couper le souffle ! En plus de pousser l’art de la danse dans plusieurs directions totalement inattendues, Audible est le spectacle idéal pour tomber en amour avec la danse.

Cette jeune compagnie de Vancouver qui danse à Montréal jusqu’au 23 avril n’a eu besoin que de cinq petites minutes avant que je m’avance sur le bout de mon siège, la bouche ouverte, incapable de la refermer tant ce qu’on m’offrait était original, fascinant et séduisant.

Audible, c’est cinq interprètes (Shay Kuebler, Josh Martin, Scott Augustine, Lisa Gelley, Maiko Miyauchi) qui passent de la danse contemporaine au hip-hop, en faisant un détour par le jazz moderne, la capoeira et le karaté. À la seconde où chacun des danseurs se lance corps et âmes sur la scène (lire ici : ils se garrochent sur le plancher), on comprend qu’ils ne donneront pas dans la dentelle.

Audible, c’est également le processus créatif à partir duquel les créateurs-danseurs ont voulu exprimer à quel point notre hyper-communication est devenue aussi sportive et extrême que n’importe quel sport de contact. Loin de tomber dans les clichés ou dans la facilité, les cinq artistes y vont de clins d’œil, de passages, de boucles de répétitions jamais lassantes et de séries de tableaux extrêmement rythmées qui se déploient à travers nos manies et nos différentes façons d’entrer en relation avec le monde. On s’imite, on joue aux indépendants, on se suit, on se confronte, on se voit sans se toucher, on se touche sans se rencontrer, on avance et on recule, on perd l’équilibre, on se relève et on reprend.

Les cinq types de « danse » se marient sans qu’on ne s’en rende compte, comme si elles avaient toujours existé pour être ainsi mélangées. En passant 75 minutes merveilleuses avec The 605 Collective, les spectateurs assistent à une utilisation du sol incomparable, à un semblant de tango nouveau genre, à une équipe de football dont les mouvements sont magnifiquement chorégraphiés, en plus d’une succession de jeux entre les styles et les personnalités de chacun.

Seul bémol de la production : les deux interprètes féminines sont visiblement moins impliquées et moins intenses que leurs trois collègues masculins, mais leur travail de groupe les excuse rapidement.

Audible est définitivement un coups de cœur du printemps.

Usine C – 19 au 23 avril

dimanche 17 avril 2011

EQUUS au Théâtre Rialto : du théâtre comme il s’en fait trop peu à Montréal

Découverte de l’un des plus beaux théâtres de Montréal, un texte qui est rien de moins que l’un des classiques du théâtre mondial, des acteurs extrêmement solides et une mise en scène fascinante : voici quelques-uns des éléments auxquels vous aurez droit si vous parlez anglais, que vous vous déplacez au Théâtre Rialto et que vous assistez à la brillante production montréalaise de la pièce Equus de Peter Shaffer.

Dimanche après-midi, l’autobus 80 de l’Avenue du Parc me dépose devant le Rialto. Mes yeux se lèvent sur les ampoules de lumière entourant la marquise du théâtre et je sens frémir une autre époque. Une fois rendu à l’intérieur, les murs, le balcon, le plafond et les sièges de l’endroit me projettent 50 ou 60 ans en arrière. C’est magnifique. Plusieurs grandes chaises capitonnées sont placées en U devant la scène où l’action va se dérouler.

L’histoire d’Equus est connue de plusieurs, mais évitons de gâcher le plaisir de tous ceux qui n’ont jamais vu sa version cinématographique, sa version théâtrale française magistralement montée chez Duceppe avec Guy Nadon et Eric Bruneau dans les rôles principaux il y a quelques années, ou dans toute autre version de ce classique présenté à travers le monde depuis des décennies.

Après avoir délibérément crevé les yeux de six chevaux avec un pic, le jeune Alan Strang, 17 ans, est envoyé chez un psychiatre qui va tenter de comprendre ce qui a bien pu se passer dans la tête du jeune garçon. Le texte est foisonnant de symboliques sur la religion, la sexualité, l’Iliade, le féminin sacré, l’homosexualité, l’interdit, l’humanité, la normalité, le bonheur, et les acteurs savent nous plonger dans cette intrigue verbeuse avec grand talent.

Ceux-ci jouent assis près de nous, devant nous, à notre niveau ou sur la scène. Le chœur de six acteurs affublés d’une tête de cheval offre un aspect plus imagé, plus mouvementé et plus dramatique à l’histoire qui nous est racontée. Les déplacements sont toujours habilement justifiés, alors que la presque inexistence des décors et des éclairages est largement compensée par les enjeux troublants du jeune patient et de son docteur.

Le talent des acteurs est à ce point remarquable qu’il devient difficile de le décrire autrement qu’en vous incitant à courir vous acheter un billet pour vivre une expérience théâtrale incontournable. Si ce n’était pas du fait que le jeune acteur qui personnifie Alan Strang (Bobby Lamont) manque visiblement d’intensité et de folie au paroxysme de l’histoire, après avoir été juste, touchant et précis depuis le début, tout le travail des interprètes est débordant de nuances et d’intériorisation.

À vrai dire, si vous parlez anglais et que vous aimez le théâtre, vous n’avez aucune raison valable de ne pas assister à une représentation de cette nouvelle production d’Equus.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

13 au 24 avril
Théâtre Rialto
5723 Avenue du Parc

samedi 16 avril 2011

Moulin Rouge : l’amour et le cancan sur les pointes

Qu’advient-il du french cancan et des amours impossibles du Moulin Rouge lorsque le Royal Ballet de Winnipeg, invité par les Grands Ballets canadiens de Montréal, décide d’y insuffler un élan de classicisme et de grandiloquence ?

La réponse ? Des décors recréant le Paris du Moulin Rouge avec merveille et grandeur, du mouvement perpétuel, un divertissement pour l’œil qui ne prend jamais fin, des danseurs qui ont pour la plupart une capacité d’interprétation plus raffinée que celle de plusieurs autres danseurs classiques, des costumes colorés et magnifiques… le tout avec une trame de fond de prudence et de sagesse.

Pendant la majeure partie du premier acte, on regarde droit devant nous, intéressés, captivés par moment, éblouis par d’autres, mais jamais impressionnés ou franchement convaincus que la proposition chorégraphique qui nous est faite est suffisamment éclatante pour rendre justice à la vénérable histoire du Moulin Rouge. Non pas que le ballet classique qui sous-tend la majeure partie du spectacle soit nécessairement associé à des excès conventionnels (Les Quatre Saisons et Cantata en étaient d’ailleurs la preuve récemment), mais il se dégageait tout un long du spectacle une énergie gentille et polie. Comme si on n’osait pas déranger en allant au bout de la chorégraphie et du drame amoureux qu’elle tentait de mettre en mouvements.

Malgré cette impression perpétuelle de sagesse exacerbée, la version du Moulin Rouge offerte par le chorégraphe Jorden Morris peut compter sur deux solistes extrêmement solides, attachants et charismatiques : Vanessa Lawson et Gael Lambiotte. Elle est suave, légère, magnifique, elle nous accroche l’œil à chaque présence, elle sait jouer aussi bien qu’elle sait danser. Une beauté. Il est capable de faire ressortir le côté homme-artiste de son personnage, tout en ayant l’élégance et la grâce propres aux danseurs classiques si souvent dénués de testostérone. Il n’a pas l’air d’une brute, mais on croit à l’homme.

Ironiquement, même si la femme est l’objet de convoitise de deux hommes-danseurs tout au long du spectacle, on a trop souvent l’impression que les danseurs masculins ne sont qu’objets de parure dans Moulin Rouge. Outre les danseurs interprétants les rôles de Matthew l’artiste amoureux, de Toulouse-Lautrec et de Zidler, les autres danseurs sont des accessoires servant à mettre en valeur les danseuses magnifiques, colorées, dansant le cancan et s’amusant à séduire tout un chacun.

De plus, les solos et les duos de séduction et de confrontation sont de loin plus ressentis et intéressants à regarder que les chorégraphies de groupe où la sagesse du créateur est palpable.

Moulin Rouge est un très joli spectacle, mais les Grands Ballets Canadiens sont capables de nous couper le souffle. Ce n’était pas le cas aujourd’hui.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

« ÉPONYME (FAKE FICTION) » : décoiffant mais franchement décousu

Qu'on se le dise, le concept d’interdisciplinarité n’est malheureusement pas toujours synonyme d’une personne qui possède un vaste étendu de talents. À vrai dire, lorsqu’on introduit ce valeureux concept dans le spectacle Éponyme (Fake Fiction) du collectif Le P.I.Q.U.A.N.T, on regarde des artistes s’aventurer dans tellement de directions à la fois qu’on à droit à des surprises, des sourires, du divertissement, du désagréable et beaucoup de déceptions.

Sophie Cadieux (théâtre), Marie Béland (danse), Guillaume Girard (théâtre et dramaturgie), Hugo Gravel (musique), Frédéric Lambert (musique classique), Anne Thériault (danse) et Martin Vaillancourt (mouvement) sont les sept amis artistes qui ont choisi de tester leurs limites, de briser leurs moules et de sortir de leurs carcans en naviguant d’une discipline à l’autre dans une ambiance franchement sympathique et bon enfant.

On passe de l’amusant « test de popularité » par applaudissement, au très divertissant concours de celui qui arrivera à pleurer en premier, à des semblants de tranches de vie véritablement inventées qui ne sont nullement crédibles, à des versions folks ô combien surprenantes et souriantes de chansons pop de Mika, Britney, Madonna ou Kylie Minogue. On les voit danser de façon approximative, se rentrer les uns dans les autres pour évoquer une séries de souvenirs émotifs traumatisants, jouer de la musique avec ou sans talent, ou crier comme des perdus, question de provoquer de la plus dérangeante des façons. Le spectacle Éponyme (Fake Fiction) part dans tous les sens et donne une nouvelle définition au mot « décousu ».

Voir un artiste sortir de sa zone de confort a quelque chose de beau, de louable même. C'est un exercice qui permet aux artistes autant qu'aux spectateurs d’être surpris et joyeusement déstabilisés. Par contre, on peut difficilement passer par-dessus le fait que plus de la moitié du spectacle a été composée de passages où les artistes ne possédaient tout simplement pas ce qu’il faisaient. On se fait dire n’importe quoi, on voit du n’importe quoi, et on retient de cette œuvre à peu près n’importe quoi.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

15 au 17 avril à l’Usine C

mercredi 13 avril 2011

Les Filles de Caleb en musique : c’est vous, c’est moi, c’est nous et c’est grand

Ils étaient nombreux à prétendre que l’histoire des Filles de Caleb était intouchable et que l’idée de l’adapter en musique était une hérésie. Pourtant, force est d’admettre que les fous qui ont parié sur ce spectacle ont eu raison sur toute la ligne. Presque aussi mémorable que l’adaptation musicale des Belles-Sœurs, la comédie musicale des Filles de Caleb est un grand coup de théâtre.

À peu près tout le monde connaît l’histoire des Filles de Caleb, mais comment résumer trois romans de plus de 1500 pages en un spectacle de trois heures ? La réponse à cette question a été fournie par l’auteure du livret, Micheline Lanctot : en usant de la narration pour expliquer les grands pans de l’histoire et en chantant la plupart des moments charnières de Caleb, Célina, Émilie, Henri Douville, Ovila, Blanche, Napoléon, Clovis et Élise, la petite-fille du couple légendaire. Pendant 180 minutes, avec entracte, les acteurs, chanteurs et musiciens revivent avec nous les passions du siècle dernier, dans un décor simple mais efficace : poutres aux extrémités, des marches occupant la moitié de la scène, et trois écrans servant à plonger les spectateurs du Théâtre St-Denis dans la maison de Caleb, dans l’école d’Émilie, au dispensaire de Blanche, chez les parents de Napoléon ou dans la nature du Lac à la Perchaude.

D’entrée de jeu, il m’apparaît nécessaire d’exprimer la puissance de la musique et des paroles composées par Michel Rivard. Sa jolie musique folk traditionnelle, parente de la fesse gauche des chansons qu’il composait jadis avec Beau Dommage, réussit à nous prendre au cœur dès les premiers instants. Ses paroles sont subtiles, brillantes, séduisantes, vraies, brutes, évocatrices, simples et jamais prévisibles. La trame musicale de ce spectacle est rien de moins qu’un petit chef-d’oeuvre de splendeurs.

Une des nombreuses questions que tout le monde se pose : est-ce que Luce Dufault et Daniel Boucher réussissent à nous faire oublier Marina Orsini et Roy Dupuis ? Aussi improbable que cela puisse paraître, outre les merveilleux souvenirs de la télésérie que ravivent les chansons de la comédie musicale, jamais on ne regrette les deux interprètes originaux. Le couple formé par Dufault et Boucher est complice, amoureux, tendre et passionné. On y croit complètement.

Même si Luce Dufault a visiblement encore beaucoup de travail à faire pour être crédible dans les dialogues parlés (elle termine les deux tiers de ses phrases avec du souffle et des intonations non-conformes au travail d’une actrice), mettez-lui une chanson en bouche et elle vous chavire le cœur en moins de deux. Réussissant à rendre palpables la détermination et les blessures de son Émilie dans chacun de ses tours de chant, Luce Dufault y va d'élans chantés-parlés irréprochables de justesse et d’émotions.

De son côté, Daniel Boucher est comme un poisson dans l’eau en interprétant le bel Ovila Pronovost. Son amour impossible à cacher pour Émilie, son besoin irrépressible de liberté, ses tourments intérieurs, tout est là, à chaque détour. Daniel Boucher palpite de vérité.

Les deux chanteurs sont accompagnés sur scène par une distribution impressionnante de talent : Catherine Sénart et Yves Soutières sont majestueux, Marie-Michèle Desrosiers et Yves Lambert solides et attachants, Bruno Pelletier toujours autant en voix et d’un naturel désarmant pour jouer la comédie. Carolanne d’Astous-Paquet est une belle surprise, alors que Jean-François Poulin est rien de moins que la révélation du spectacle grâce à l’énergie contagieuse qu’il a su insuffler à son Clovis. Stéphanie Lapointe est la seule qui nous fait regretter l’interprétation mémorable de Pascale Bussières à la télévision. Sa Blanche est tendre et touchante, mais elle manque clairement de mordant.

La comédie musicale des Filles de Caleb, c’est nos racines, notre terroir, notre histoire. C’est le Québec dans tout ce qu’il a de plus beau.

lundi 11 avril 2011

Benoit McGinnis fait renaître Serge Boucher et ses proses inédites

Lorsque j’assiste aux premières lectures d’une œuvre inédite ou aux premiers balbutiements publics d’un auteur, j’ai toujours l’impression d’être privilégié. En me présentant ce soir au Studio littéraire de la Cinquième Salle de la Place-des-Arts pour être témoin d’une nouvelle rencontre entre Benoît McGinnis et les mots de Serge Boucher, mon impression s’est confirmée.

Ce n’était pas la première fois que McGinnis s’appropriait les mots de Boucher. Que ce soit dans les pièces Avec Norm’, et Excuse-moi, ou dans la fascinante télésérie Aveux, le jeune acteur est un habitué de la prose de Boucher. Ce n’est donc pas surprenant qu’il ait été présenté au public comme étant « l’acteur idéal pour lire les petites histoires inédites de Serge Boucher ». À peine quelques jours après avoir terminé une série de représentations magistralement interprétées du Prince Hamlet au TNM, Benoit McGinnis confirme son envie de continuer le travail de création dans tous ses aspects, sans se laisser prendre au jeu des grands rôles classiques jusqu’à plus soif.

Ce soir, Benoit McGinnis est retourné dans la nostalgie de Serge Boucher, dans son enfance et son adolescence des années soixante à 80. L’acteur nous a invité à suivre la candeur de l’auteur, ses histoires, ses lubies, ses passions secrètes, les interdits qu’il franchissait, les plaisirs coupables qu’il se permettait, les drames familiaux qui l’entouraient. Un trait d’humour par-ci, un peu de tendresse par-là, une pincée de simplicité et un grand bol de vérité. Autant Serge Boucher nous a habitué à gratter le drame jusqu’au sang dans plusieurs de ses autres œuvres avec un talent que lui seul connaît, autant nous propose-t-il cette fois un équilibre entre le souvenir réconfortant et le drame qui le sous-tend.

Pendant près de 70 minutes, Benoit McGinnis se tient devant nous, assis sur le bord d’un bureau, éclairé par une simple lumière et sans la moindre mise en scène. Benoit McGinnis sait lire Serge Boucher. D’abord parce qu’il est un grand acteur. Ensuite parce que les mots de l’auteur semble soutirer un petit quelque chose de plus à McGinnis. Celui qu’on sent toujours en plein contrôle de son jeu, de sa voix, de sa projection, de sa diction, de ses accents toniques, de la structure de son texte et de la fluidité de ses mouvements, tout en étant capable d’émotions véritables ; celui qu’on sent brillant, enlevant, impressionnant, mais toujours un peu propre ; celui-là laisse un peu sa place à quelqu’un autre en parlant du Serge Boucher. Un acteur un tant soit peu plus vrai, plus vulnérable, plus écorché. Un homme-enfant capable de naïveté comme de lucidité. À l’image de Boucher probablement.

En début de soirée, le public était averti : les extraits inédits de Serge Boucher n’allaient peut-être jamais être montés pour le théâtre. Pourtant, se trouvaient dans la salle trois grands amoureux de l’oeuvre de l'auteur : Michel Dumont, directeur artistique chez Duceppe, René Richard Cyr, metteur en scène du dernier Boucher… chez Duceppe, et Maude Guérin, celle que l’on peut décrire comme étant le pendant féminin idéal pour lire les mots de Serge Boucher.

Les possibilités existent. Espérons-le.

samedi 9 avril 2011

Onde de choc : vraiment, c'est seulement ça ?

Est-ce que la réputation extrêmement positive associée à la compagnie de danse contemporaine O Vertigo a eu un effet amplificateur sur ce que j’ai ressenti en assistant à la dernière création de la chorégraphe Ginette Laurin ? Je ne sais trop. Toujours est-il que c’est le mot « déception » qui n’arrêtait pas de faire surface après avoir assisté au spectacle présenté à l’Usine C.   

Ginette Laurin et O Vertigo ont une réputation internationale particulièrement enviable dans le monde de la danse. Travailler pour cette compagnie québécoise revêt généralement un cachet spécial pour grand nombre de danseurs montréalais. Chez certains, c’est la meilleure « école » qui soit, chez d’autres, c’est la consécration. Pourtant, le dernier né de O Vertigo ne m’a pas offert davantage qu’une poignée de jolis moments sur une toile de manque d’intérêt et d’absence d’émotions brutes.

Ironiquement, dans Onde de choc, Ginette Laurin affirme être partie à la recherche des émotions dans ce qu’elles ont de plus enfoui : le souffle, les pulsations du corps et du cœur.  Le cœur ayant des échos sur le corps, le corps ayant des échos sur la musique, la musique sur la lumière, et vice versa. D’un point de vue strictement théorique, l’idée est intéressante. Malheureusement, c’est dans la pratique que cela se gâche.

L’inégalité de talent et d’expérience entre les différents interprètes saute aux yeux dès les premiers instants du spectacle. Certains sont foncièrement ancrés dans ce qu’ils font, habités et charismatiques, alors que d’autres ne sont que mouvements et technique. À quelques occasions, on a l’impression de percevoir un semblant de fil conducteur autour des pulsations cardiaques et des réactions en chaîne qu’elles provoquent, mais le fil est rapidement coupé, car visiblement trop peu solide. Les interprètes dansent, sautent, font des portées magnifiques, courent, se disloquent, regardent en l’air comme si la lumière divine leur était révélée, mais jamais la cohésion de l’œuvre ne se rend jusqu’à moi.

Bien entendu, la danse n’est pas obligée d’être scénarisée comme une histoire pour être intéressante. Elle n’est même pas obligée d’être comprise pour qu’on l’apprécie : ne rien vouloir dire étant souvent plus magnifique qu’on ne le croit. Malheureusement, la chorégraphie d’Onde de choc m’a trop souvent donné l’impression d’être un gros ramassis de n’importe quoi. Du beau, du laid, du splendide, de l’ordinaire, mais du n’importe quoi quand même.

Deux heures après le spectacle, on a du me rappeler ce que j’étais allé voir. C’est vous dire à quel point cette œuvre n’est pas venue me toucher. Et c’est bien dommage.

Onde de choc – 8 au 16 avril 2011 (Usine C)

vendredi 8 avril 2011

Dans Shirley Valentine, on aime Pierrette Robitaille d'amour

Pour une deuxième année consécutive, Pierrette Robitaille s’offre la scène du Théâtre Jean Duceppe à elle toute seule. Cette année, la pimpante actrice s'approprie le solo de Shirley Valentine en y mettant toute la fougue, l’humour, le sens du rythme et le talent dramatique qu’on lui connaît. Après une soirée passée avec elle, impossible de quitter le théâtre sans avoir un sourire de collé au visage.

Depuis mercredi dernier, Pierrette Robitaille est seule sur scène comme son personnage est seul dans la vie. Bien que mariée et mère de deux enfants, Shirley Valentine ne peut faire autrement que de constater à quel point sa nature profonde est en marge de la norme. Shirley rêve d’une routine brisée, d’aspirations concrétisées et de rêves qui diffèrent complètement de ce que la société a prévu pour elle. En faisant la discussion à son « mur » et au public, Shirley raconte certains aspects de sa vie comme si de rien n’était : ses tristesses, ses déceptions, ses petites joies. Les tâches ménagères (cuisine, vaisselle, ménage) qui l’occupent pendant la première partie du spectacle permettent d’ailleurs à Pierrette Robitaille de ne jamais s’enliser et de faire preuve d’un naturel indéniable.

Au premier coup d’oeil, on sent Pierrette Robitaille solide, énergique, entièrement dévouée à la cause de cette femme de tête, et déterminée à nous faire voyager avec elle pendant près de 2h30. Bien que son personnage en ait vraiment très, très long à dire, la personnalité que lui donne l’actrice donne le ton parfait au texte écrit par Willy Russel et traduit par Michel Dumont. Shirley est lucide sans être amère, rêveuse sans être naïve, simple sans être simpliste. Il est carrément impossible de ne pas aimer Shirley Valentine, de ne pas l’écouter nous raconter sa grande et belle histoire de petits riens, et de ne pas rire de ses éclats d’humour.

Après nous avoir entretenus de la lourdeur de son mari, du poids des années et de la personnalité rebelle que plusieurs ont voulu brimer à travers le temps (elle la première), Shirley Valentine accepte l’invitation d’une amie qui lui offre un billet vers la Grèce. Les hésitations sont aussi nombreuses que les remises en questions, mais voilà que la vie oblige Shirley à s’écouter. Elle décolle vers le pays de l'Acropole.

Une fois arrivée à destination, le rideau s’ouvre littéralement sur un décor de carte postale grecque. Pierrette Robitaille irradie pendant que Shirley continue de tergiverser, d’évoluer, d’être confrontée et d’apprendre à s’écouter.

Même si la grande majorité des thèmes abordés dans la pièce de Shirley Valentine s’approchent dangereusement de la prémisse de nombreux ouvrages de croissance personnelle, le voyage auquel nous convie Pierrette Robitaille est constamment ponctué de surprises, de détours et d’originalité.  

Shirley Valentine, c’est simple, c’est beau, et ça goûte bon.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Théâtre Jean Duceppe – 6 avril au 14 mai 2011

mercredi 6 avril 2011

VILLES MORTES : note presque parfaite pour ces raconteuses modernes et hyperactives


Présentée dans la salle Jean-Claude Germain au 2e étage du Théâtre d’Aujoud’hui, la nouvelle production d’Abat-Jour Théâtre, Villes Mortes, dresse avec talent et grande énergie le portait de Pompéi la poétique calcinée, de Gagnonville la déracinée disparue, de DIX30 la froide commercialisée et de Kandahar la malheureuse amputée de guerre.

Quatre villes, quatre femmes, quatre histoires. Écrites par Sarah Berthiaume et mises en scènes par Bernard Lavoie, les quatre parties de cette nouvelle création se déroulent dans, par-dessus, en dessous, à travers et à côté d’un lit à baldaquin : haut lieu de confessions et de lucidité pour jeunes femmes urbaines et dégourdies.

Villes Mortes commence en douceur en s’attardant au voyage d’une jeune fille partie rejoindre son amoureux à Naples, en Italie, non loin de la tristement célèbre Pompéi, brûlée vive sous la lave d’un volcan, le Vésuve. En constatant que le dit amoureux n’est plus tout à fait au stade relationnel où elle espérait le retrouver, la jeune femme interprétée par Céliane Trudel tombe de haut. Jolie, touchante et pleine de tendresse, la comédienne est malheureusement tombée sur la partie la moins intéressante du spectacle. Bien que les faits provoquant sa peine d’amour nous soient clairement expliqués, on ne saisit jamais à quel point l’amour qui les unissait était puissant au point de justifier une série de métaphores douloureuses sur le volcan et la brûlure intérieure. Des quatre actrices vues ce soir, Céliane Trudel est également celle à qui l’on a le moins demandé de bouger. À l’exception de quelques mouvements sur le lit, l’actrice semble figée dans une mise en scène trop statique et se démène pour livrer un texte juste un peu trop littéraire pour coller aux émotions de son personnage. On reste sur notre faim.

S’amène alors l’énergique Gagnonville, mise en bouche par l’auteure elle-même, Sarah Berthiaume. On connaissait son talent pour les mimiques et sa capacité à intégrer la nature profonde de ses personnages dans chacune des fluctuations non-verbales de son corps, mais voilà que l’actrice fait également preuve d’un sens inné pour raconter une histoire. Sa jeune fille exilée d’une ville minière ayant vu le jour en 1960 et connu la mort en 1985 est une splendeur d’images évocatrices. Le spectacle décolle officiellement.

Arrive alors la tempête Stéphanie Dawson, dont le personnage de comédienne désespérée accepte de jouer dans un film étudiant sur les zombies, avant de choir au Quartier DIX30 à Brossard, et de se perdre parmi la foule d’automates musclés à la peau orange, qui organisent un concours où elle peut gagner une nouvelle paire de boules. Tentant de fuir ces zombies obnubilés par le culte de la consommation, l’actrice se débat, court, crie, s’essouffle, se pend sur les barreaux du lit et nous transporte littéralement dans son monde imaginaire. Enlevant.

La pièce se termine avec l’interprétation de Joëlle Paré-Beaulieu, alors qu'elle prend les traits d’une employée de Tim Horton qui travaille sur une base militaire de Kandahar, pendant que sa petite fille fascinée par les princesses l’attend au Canada. Grâce à la justesse du jeu de Paré-Beaulieu, il est impossible de ne pas ressentir l’ennui profond d’une mère pour sa fille. On se fait prendre au jeu et on suit avec un vif intérêt tout ce que cette femme est prête à faire dans le pays des seigneurs Talibans pour retrouver la chair de sa chair.

Outre les maladresses musicales trop souvent présentes (les musiciens Géraldine & Navet nous donnant souvent l’impression d’être les clones immatures et trash de Cœur de Pirate) ainsi que la première section moins équilibrée du spectacle, Villes Mortes est une pièce de théâtre hautement divertissante qui sait faire réfléchir sans nous écraser de lourdeur ou de morales à cinq sous. 

À voir assurément. 

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Salle Jean-Claude Germain – 5 au 23 avril 2011

vendredi 1 avril 2011

SCHWARTZ’S - THE MUSICAL vous fera tomber en amour avec Montréal

Avouez que cela avait tout pour vous laisser perplexe : une comédie musicale made in Montreal dont l’histoire tourne autour d’un restaurant reconnu pour son smoked-meat. Malgré les réserves que j'avais au départ, la magie a fini par opérer et je suis sorti du Théâtre du Centaur avec le sourire aux lèvres et l'envie suprême de donner un gros french à la métropole, après être allé faire la file pour manger chez Schwartz's.

L’histoire de Schwartz’s The Musical est profondément simple : le célèbre restaurant de la rue St-Laurent nous est raconté lorsqu’une jeune femme ambitieuse originaire de Toronto essaie de convaincre la propriétaire actuelle de lui vendre son commerce. En essayant de mettre la main sur le secret qui a fait la renommée du fameux deli depuis des décennies, la jeune femme en profite pour découvrir la signification des mots authenticité et intégrité.

Force est d’admettre que l’histoire de cette comédie musicale entièrement montréalaise n’a rien pour nous surprendre, mais là n’est pas le but de l’opération. Avec Schwartz’s The Musical, on a l’impression d’assister à la version théâtrale du confort food que nous sert le restaurant depuis 1928. Tous les aspects de cet univers bon enfant ont des allures sympathiques, souriantes, drôles, rythmées et follement divertissantes. On s’éloigne d'ailleurs des comédies musicales classiques en empruntant des airs au folk, au rock, au pop et à la musique des années 60.

À l'image du restaurant Schwartz’s, ce sont les imperfections du spectacle qui le rendent si attachant. La première partie est supérieure à la deuxième, quelques notes sonnent faux, certains acteurs-chanteurs excellent plus que d’autres, les chorégraphies sont franchement quétaines, mais il faut assister à la comédie musicale pour réaliser à quel point on se fout de tous ces détails. Le spectacle est fait avec tellement de vérité et de plaisir que les spectateurs ne peuvent faire autrement que de passer une excellence soirée.

Avec Schwartz’s The Musical, on rit de tout le monde : des riches, des pauvres, des francophones, des anglophones, des juifs, de Montréal, de Toronto. On retombe en amour avec les antithèses, les incohérences et les imperfections qui font de Montréal une ville au charme qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.

À vrai dire, si Montréal avait un public assez grand pour se permettre de présenter le spectacle à l’année ou pendant l’été, Schwartz's The Musical pourrait devenir l'un des moyens les plus divertissants de faire découvrir la métropole aux touristes. On jase.

Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Schwartz’s The Musical – 29 mars au 24 avril
Théâtre Centaur