vendredi 21 octobre 2011

“Faire des enfants” au Quat’Sous : la lourde tâche de monter un texte déjà porté aux nues

Le metteur en scène Gaétan Paré avait la lourde tâche de diriger la production de « Faire des enfants », un texte écrit par le jeune auteur Éric Noël, récompensé l’an dernier par le prix Gratien Gélinas soulignant le travail d’un auteur de la relève. À défaut de présenter une œuvre aussi grandiose que le texte qui en assume les fondations, Paré et ses acolytes offre tout de même plusieurs bons moments au Théâtre de Quat’Sous.

Faire des enfants s’interroge sur ce qu’un jeune homme de 24 ans fait avec la vie que lui ont offerte ses parents, ou plutôt de quelle manière il arrive à salir et détruire ce qu’ils ont cherché à protéger et chérir. Le jeune homme prénommé Philippe refuse d’entendre son nom associé à des compliments ou des mots d’amour. Ressentant tout et rien à la fois, le jeune homme se détache des gens pour mieux fuir ce qu’il devient : un corps qui se fait baiser, remplir, déchirer et humilier. Un corps qu’il laisse se vider dans le lit de sa meilleure amie après une nuit à déraper. Ce Philippe a une sœur qui essaie de comprendre comment elle peut exister pleinement avec un frère qui agit de la sorte et des parents qui tentent de comprendre ce que leur fils est devenu.

L’écriture de Faire des enfants est réglée au quart de tour, les images sont puissantes et évocatrices, le rythme est efficace, tous les mots sont minutieusement choisis afin d’insuffler émotions, écorchures et réalisme brutal à l’histoire de Philippe. N’allons pas jusqu’à parler d’un texte mythique, puisqu’un auteur comme Eric Noël risque de faire encore mieux dans les années à venir, mais n’hésitons pas à parler d’une oeuvre monumentale.

En ce qui concerne le jeu des acteurs et la mise en scène, on passe malheureusement du génial à l’ordinaire. À l’exception de l'actrice Rachel Graton qui joue la sœur de Philippe avec une justesse émotive effarante à chacune de ses présences sur scène, les acteurs sont à la fois merveilleux et à peine plus que corrects, à différents moments de la production. La plupart d’entre eux arrivent sur scène comme s’ils n’étaient pas totalement imprégnés de leur personnage ou pas entièrement réchauffés. Un peu plus tard, ils réussissent à nous jeter par terre avec une force impressionnante, mais ils finissent par se laisser flotter sur des élans d’intensité tout ce qu’il y a de plus inconstant.

Les costumes des hommes que rencontre Philippe dans un club sont tout à fait ridicules et superflus, plusieurs transitions s’avèrent trop longues et les passages plus physiques (claques ou rudoiements) ne sont pas le moindrement crédibles. Malgré toutes ces maladresses, le choix de dépouiller la scène de décors et de limiter les accessoires permet au texte et aux acteurs de se révéler brillants à plusieurs occasions.

À défaut d’être transcendante et mémorable, la production de Faire des Enfants est quand même un incontournable du théâtre contemporain de l'automne 2011.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Théâtre Quat’Sous – 18 octobre au 13 novembre
http://www.quatsous.com/1112/saison/faire.php
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