mercredi 9 novembre 2011

Critique de “Mon frère est enceinte” à la Petite Licorne : avant Oprah, il y a eu Johanna

Titre intriguant s’il en est un, « Mon frère est enceinte » est une autre de ces splendeurs que le Théâtre la Licorne présente au public depuis sa réouverture. Écrite, traduite et interprétée par la Montréalaise Johanna Nutter, l’œuvre s’attaque à une série de tabous sur l’identité sexuelle et sur la notion fondamentale de la maternité avec légèreté et émotions.

Jouée à la Petite Licorne (dans sa version originale anglaise les vendredis et en français le reste de la semaine), « Mon frère est enceinte » est l’incarnation de certains enjeux universels ancrés autour des rues Sherbrooke, St-Laurent, St-Viateur et de l’Avenue du Parc : petit coin de la métropole où Johanna a grandi avec une sœur qui se sentait plus garçon que fille et une mère hippie qu’elle a rapidement remplacée en tant que chef de famille. Un jour, la sœur de Johanna lui apprend qu’elle s’est fait enlever les seins et qu’elle a débuté un traitement d’hormones pour changer de sexe. Aimante, ouverte et soulagée de savoir sa sœur plus heureuse en tant qu’homme, Johanna fait le « switch » immédiatement et épaule son frère sans réfléchir. Quelques années plus tard, lorsque son « frère » tombe enceinte (puisqu’il possède encore le sexe féminin), Johanna la dévouée l’accompagne dans cette aventure ô combien particulière.

C’est ainsi que deux ans avant qu’Oprah Winfrey interviewe un homme ayant donné la vie, le « frère » de Johanna avait donné naissance à une petite brune bouclée aux grands yeux bleus.

Seule en scène, Johanna Nutter dessine un Mont-Royal à la craie sur le mur du fond, avant de délimiter son environnement en traçant au sol les grandes artères de son existence. Elle incarne à la fois un frère confus et bourru, une mère qui se détache de ses émotions et de ses responsabilités, ainsi que son propre personnage, une jeune femme dotée d’un amour inconditionnel pour les siens, d’un talent pour le bonheur, d’une ouverture d’esprit qui ne demande aucun effort et de ce besoin irrépressible d’aider et de réunir les siens.

L’histoire de Johanna Nutter sort de l’ordinaire, mais l’actrice et dramaturge arrive à nous la livrer avec une telle simplicité et une telle passion au fond des yeux qu’on a l’impression qu’elle nous raconte quelque chose qui aurait pu nous arriver. Elle nous fait réfléchir et nous réconforte à la fois. Un petit bijou.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

La Petite Licorne – 7 au 25 novembre 2011
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