dimanche 23 septembre 2012

Ce samedi après-midi où je suis allé dans une galerie d’art…


Premier samedi de l’automne, aux environs de midi, le ciel déverse son crachat sur la grise Hochelaga, pendant que je déambule sur la rue Ontario en direction de la galerie Modulum. Même si j’ai inscrit « 3081 » au creux de ma main gauche, je trouve quand même le moyen de me perdre. Une fois rendu dans le coin des nouveaux condos dénués d’âme près de la rue l'Espérance, je rebrousse chemin, je marche sous un viaduc aux allures peu invitantes et j’aperçois enfin l’adresse civique tant convoitée sur un édifice qui n’a rien des endroits branchés et aseptisés que j’associe aux arts visuels et aux musées.  

J’ouvre la porte, je fais quelques pas. Personne. D’immenses espaces vides et de somptueux graffitis me saluent bien bas. Mes yeux croisent de petites affiches où le mot « RAYÉ » m’invite à monter les escaliers. Je m’exécute lentement, quelque peu craintif, avant de tomber sur un éclat de lumière, signe de mon arrivée dans l’espace Modulum, où je suis accueilli par le commissaire de la galerie, Normand Babin.

Le mât du Stade olympique, le pignon d’une église et le versant ouest d’une usine désaffectée me regardent par la fenêtre, au moment où Normand me raconte que la première saison de Modulum laissera la place à plusieurs jeunes artistes et à quelques autres déjà établis, dont certains ont été exposés à la galerie SAS.

Sincèrement, cette derrière information n’évoque absolument rien au néophyte que je suis. Pour vous donner une idée de l’aisance qui m’habite dans une galerie, j’ai hésité avant de m’asseoir sur une chaise, ne sachant pas si cela faisait partie de l’exposition ou non... Après m’avoir gentiment rassuré en m’expliquant que les œuvres de l’exposition étaient toutes accrochées au mur, le commissaire a pimenté ma visite d’explications personnalisées et fort accessibles. 

Tout en évitant de mettre sur pieds des expositions simplistes, Modulum désire attirer les amateurs d’art, les acheteurs ET les curieux non-spécialistes. C’est ainsi qu’après avoir accueilli 250 invités lors du lancement, le 20 septembre dernier, Normand Babin a eu l’amabilité de guider ma visite. 

Avec l’exposition « RAYÉ » (des œuvres incorporant des rayures ou exploitant le thème « rayer de la carte » ou « rayer de la mémoire »), Modulum trouve le moyen d’harmoniser le travail de plusieurs artistes aux horizons fort différents, dont certains tiendront l’affiche en solo, au cours de la prochaine année. 

Yannick de Serre fond son visage au paysage en y allant d’autoportraits, résultats de dessins et de collages largement prisés par les collectionneurs, un peu partout à travers le monde. 


Francis Fontaine peint ses toiles, les plie, pile dessus, s’amuse avec leur relief et les réassemble pour créer un résultat aux perceptions multiples. 


Mathieu Laca utilise les pigments d’une époque révolue pour peindre le visage des artistes d’autrefois et s’amuse à créer des œuvres homoérotiques trash qui sont franchement troublantes pour l’œil. 

Damian Siqueiros – reconnu pour ses photos des campagnes promo des Grands Ballets canadiens – expose le cliché d’un jeune homme dans une fabuleuse mise en scène. À noter qu’en plus de l’énorme version de la photo, détaillée à plus de 1000$, l’artiste vend de plus petites versions bien moins chères, dont les copies sont fort peu nombreuses. 

Fred Laforge reproduit avec une extrême minutie l’explosion de la bombe atomique de Bikini Island et un ouragan dévastateur en dessinant au crayon de plomb des centaines de petits carrés recréant une fausse pixellisation. Impressionnant.

Le designer CLUC, connu par le grand public grâce à l’émission La Collection, diffusée à TVA, y va d’une création composée de centaines d’aiguilles sur fond de tissu rose, qui n’a rien des robes de soirée excentriques qu’il a l’habitude d’imaginer. 

Chopin propose une œuvre d’effets optiques où l’on observe un visage changer de formes, selon la perception de notre regard, permettant ainsi à l’art de rencontrer le design et l’amusement.

Christina Alonso expose une photo avec un éclairage qui rappelle le travail des spécialistes du cinéma et dont la texture est modifiée par Photoshop, la peinture et plusieurs autres procédés empêchant de classer l'oeuvre dans une seule catégorie. 

Finalement, Sébastien Gaudette présente un dessin touchant et surprenant, inspiré de la perte de mémoire qu’il a lui-même subie à la suite d’un mini accident cardio-vasculaire (ACV). 


En invitant le public à découvrir aujourd’hui l’art de demain, la galerie Modulum réussit ce que je n’aurais jamais cru possible : m’intéresser aux arts visuels et me donner envie d’inscrire à mon agenda la date de leur prochain vernissage pour ne rien manquer.

Galerie Modulum
3081 rue Ontario (coin Moreau), Montréal
Horaire
Vendredi 12h à 19h
Samedi et dimanche : 12h à 17h
Prise de rendez-vous : 514.596.0500

Crédits photos :
1) Yannick de Serre, Be part of the landscape, be wiped off the map (2012)
2) Francis Fontaine, (sans titre) 2012
3) Sébastien gaudette, Perte de mémoire, 2012
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