lundi 17 septembre 2012

La Traviata à l’Opéra de Montréal : grandiose et terne à la fois


Après les succès de Rigoletto en 2010 et d’Il Trovatore en 2011, l’Opéra de Montréal conclut la « trilogie populaire » de Verdi avec l’un des opéras les plus joués à travers le monde, La Traviata. Même si le rôle principal de Violetta a été confié à une chanteuse au talent redoutable, n’en demeure pas moins que la soirée à la Salle Wilfrid Pelletier débute et se termine en dents de scie. 

L’histoire de La Traviata est fort simple : Violetta, une courtisane reconnue à travers Paris, tombe amoureuse d’Alfredo, un garçon de bonne famille. Quelques mois après qu’elle ait quitté sa vie de prostituée haut de gamme et qu’ils aient emménagé ensemble, le père du jeune homme débarque à l’improviste afin de convaincre la belle de laisser son fils. Acceptant de quitter son amour à contrecœur, Violetta retournera à ses anciennes habitudes, avant de mourir lentement de la tuberculose.

À l’image des Grands Ballets canadiens, l’Opéra de Montréal doit vivre avec le paradoxe de son public : si les deux institutions attirent depuis des décennies des spectateurs vieillissants, elles déploient également des efforts marketing incroyables afin d’attirer les jeunes. Depuis quelques années, leurs programmations sont donc à moitié modernes et à moitié traditionnelles. À ce sujet, La Traviata verse sans contredit du côté de la tradition. Bien qu’elle profite des airs connus de Verdi afin d’attirer un vaste auditoire, la production y va d’une relecture sage et proprette de l’histoire en termes de mise en scène et de décors. 

Même sentiment d’ambivalence du côté de l’interprétation. Si le travail de Luca Grassi (le père) est d’une impressionnante solidité sur tous les plans, celui de Roberto De Biaso, qui joue son fils, n’arrive pas à convaincre. Sa voix de ténor est d’une remarquable justesse, mais jamais il n’arrive à nous vendre son amour pour Violetta, ni la moindre émotion durant le spectacle. À défaut d’utiliser une expression vulgaire pour décrire son absence de charisme et de laisser aller, je me contenterai d’écrire qu’il m’est apparu franchement coincé. 

Quant à l’interprète de Violetta, Myrtò Papatanasiu, mentionnons un tout petit bémol : un problème de justesse dans les notes suraiguës et fort nombreuses du premier acte. Toutefois, à la seconde où le drame s’installe dans le deuxième acte, la récipiendaire du Maria Callas Debut Award de l’Opéra de Dallas atteint un niveau d’interprétation épatant. Royale, magnétique, passionnée, désinvolte, amoureuse, blessée, trahie, malade, mourante, Papatanasiu arrive à nous faire croire à chacune de ses émotions, tant dans sa voix que dans son corps. La retenue avec laquelle elle réussit à nous suspendre à ses lèvres est littéralement fascinante. On croirait presque une comédienne qui sait chanter l’opéra. 

Froide dans l’ensemble, mais profitant de quelques fragments de chaleur, gracieuseté de Grassi, Papatanasiu et du puissant chœur de l’Opéra de Montréal, la Traviata peine à nous enflammer, sans pour autant nous décevoir. 

Un spectacle mi-figue, mi-raisin.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
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