vendredi 14 décembre 2012

Le Père Noël est une ordure : délirant coup d’envoi du temps des Fêtes (CRITIQUE)


Rares sont les œuvres ayant le pouvoir de rassembler les cyniques grincheux et les amoureux fous du temps des Fêtes sous un même toit. Non seulement la version théâtrale du Père Noël est une ordure peut-elle se targuer d’être de celles-là, mais elle fait également du Théâtre Mainline le lieu idéal pour donner le coup d’envoi à la période de festivités. 

Avant d’imposer à vos estomacs un mélange de ragoût, de tourtière, de dinde, de desserts et de boissons alcoolisées, La Compagnie suggère à vos traits fatigués de découvrir la pièce de théâtre à l’origine du film Le Père Noël est une ordure. Alors que l’œuvre du réalisateur Jean-Marie Poiré misait principalement sur l’aspect comique de l’histoire, la pièce profite d’une trame légèrement plus dramatique, sans pour autant délaisser le caractère invraisemblable des différents personnages : Pierre et Thérèse, bénévoles au centre d’appel Détresse-Amitié, Katia la travestie tourmentée, M. Preskovic l’immigrant esseulé, Josette la cousine de Thérèse enceinte jusqu’aux dents et Félix, le fiancé violent et désespérant de la future maman.

Évoluant dans un local un peu crade avec une tapisserie dépassée et des meubles dégotés sur le coin d’une rue, Pierre et Thérèse débutent leur quart de travail du 24 décembre avec l’appel d’un désespéré, l’agression verbale d’un désaxé et un échange de cadeaux franchement particuliers. Bien moins compatissants que leur activité bénévole le laisse présager, Pierre et Thérèse seront plongés dans le trou béant d’un vaudeville rocambolesque où ils subiront les frasques de Katia, Josette, Félix et M. Preskovic. 

Le caractère suranné du décor plonge habilement les spectateurs dans un univers où la pauvreté du cœur côtoie celle de l’esprit. L’équilibre entre la drôlerie déjantée des personnages et la détresse de leur réalité garde notre intérêt captif jusqu’à la fin. L’habileté avec laquelle le metteur en scène Benoit Ruel a orchestré le mouvement perpétuel de ses charmants névrosés offre à nos yeux un spectacle dénué de temps morts, alors que la sélection musicale résolument kitch a tout ce qu’il faut pour insuffler un élan de joie et d’allégresse à la soirée.

Bien qu’il soit difficile pour les cinéphiles de ne pas faire de comparaisons avec les performances marquantes de Thierry Lhermitte, Christian Clavier, Anémone, Gérard Jugnot et Marie-Anne Chazel, il est impossible de ne pas remarquer à quel point les acteurs de La Compagnie sont investis dans l’aventure. En interprétant une Thérèse timide et coincée, Gabrielle Forcier fait preuve d’un talent indéniable pour la comédie. Bien qu’elle joue avec les limites du surjeu à quelques occasions, l’actrice donne l’impression qu’elle maîtrise son personnage depuis des années. Alexandre Bergeron livre quant à lui une interprétation fragile et touchante du travesti. Sincère en toutes circonstances, l’acteur défend avec brio un rôle qui aurait pu faire basculer la pièce dans la caricature.

En contrepartie, on dénote l’accent inconstant de l’Européen de l’Est interprété par Clément Cazelais, ainsi que le manque d’uniformité des accents franchouillards de Gabriel Dagenais, Annie Darisse et Alexandre Bergeron, aux côtés de Michel-Maxime Legault et de Gabrielle Forcier, qui sont les plus crédibles de ce côté.

Notons également que l’humour très français du Père Noël est une ordure risque de ne pas plaire à tout le monde. Avec un rythme, des intonations et des références bien différentes des comédies québécoises, la pièce de théâtre fait plus souvent sourire qu’elle ne fait rire aux éclats.

N’empêche, la production de La Compagnie est à ce point divertissante et convaincante que les amateurs de théâtre montréalais ont tout intérêt à découvrir le premier jalon de ce qui pourrait devenir une merveilleuse tradition du temps des Fêtes. Les amateurs du film culte vivront une succession de grands moments en voyant leurs personnages préférés prendre vie, alors que les non-initiés découvriront un monde qu’ils auraient aimé connaître depuis des années.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

12 au 22 décembre 2012
Théâtre Mainline
http://www.mainlinetheatre.ca/en/spectacles/le-pere-noel-est-une-ordure


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