mercredi 4 décembre 2013

CRITIQUE des Contes urbains 2013 à La Licorne : une soirée qui donne envie de frencher l’humanité !


Déjà plus de sept ans que je demeure à Montréal et que les Contes urbains font partie de mes traditions du temps des Fêtes. Un an après une édition qui m’avait déçu, voilà que mon incontournable de décembre a retrouvé toute la verve et la magie qu’il lui faut pour marquer ma tête et mon cœur jusqu’à la nouvelle année. 

Les six textes racontent la ville, les Fêtes et la vie avec un soupçon de trash, quelques pincées d’onirisme, deux ou trois claques de lucidité et un édredon de réconfort.

La soirée s’ouvre sur « Madame Renard », de Julie-Anne Ranger-Beauregard. Récitée par une Rachel Graton touchante, forte et vulnérable, l’histoire a l’étoffe des légendes animalières qui décrivent l’homme à travers les époques. Un récit de résilience et de romantisme d’autrefois qui éblouit de splendeur.

Arrivent ensuite Hubert Proulx et « Saucisse Bacon », le texte de Martin Bellemare qui nous ramène dans un monde de nostalgie paternelle et de fertilité un peu trop ancré dans le détail, le concret et la familiarité pour suivre efficacement le conte précédent. 

Catherine Trudeau agit tel un point d’orgue à la première partie en nous plongeant dans « Votre crucifixion », un brillant texte de Rébecca Deraspe sur le gouffre sans fond de la culpabilité parentale et du jugement de ceux qui « savent ». Campée aux alentours du Cinéma Beaubien en pleine période des festivités, l’anecdote est rapidement transformée en cauchemar aux dimensions titanesques. Incarnation parfaite de la mère québécoise, Trudeau nous livre une histoire à l’exagération jouissive et rafraichissante sur un sujet mille fois traité.  

Au retour de la pause, on retrouve Hubert Lemire, d’une vérité fragile et pure. Il nous invite dans son appartement, là où son colocataire gai (tout comme lui) vit une peine d’amour foudroyante, à l’ère des sites et des applications mobiles de rencontres. Rythmé, percutant, touchant et très ancré dans le réel, le texte d’Olivier Sylvestre repart la soirée en force.

L’élan est quelque peu freiné par le conte « Ruby pleine de marde », dans lequel l’auteur Sébastien David décrit la joute que se livrent deux êtres que rien n’aurait dû rassembler : une fillette détestable et un homme qui se fait passer pour le coloc de son amoureux dans une famille arriérée. Malgré quelques brillants éclats dans le propos et l’interprétation juste et honnête de Mathieu Gosselin, le texte manque d’originalité et de surprise.

À la toute fin, le coup de grâce. Récité par Marie-Ève Milot, une actrice qui vous parle droit dans le cœur, le conte « Ce qui dépasse » d’Annick Lefebvre est l’un des plus beaux que j’ai entendu à La Licorne au cours des dernières années. Après nous avoir ému en énumérant les ingrédients et les techniques de cuisine d’autrefois qui font défaut à nos soirées jeunes et branchées, Milot réfléchit avec tendresse sur l’individualisme d’aujourd’hui, se remémore les moments de grâce où la collectivité à pleurer et exulter au cours de la dernière année, en plus d’insister sur la nécessité de se rappeler du « nous », dans toute sa beauté. 

On alterne entre nostalgie et rêves pour le futur, on passe des rires aux pleurs, et on sort du théâtre avec l’envie de frencher l’humanité !

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Mon roman, « À CAUSE DES GARÇONS » est en librairies partout au Québec depuis le 25 septembre  2013 : http://editionsdruide.com/livres/nouveautes/a-cause-des-garcons/